Foi et Raison : dans les débats autour de la laïcité, de la place du religieux ou du sacré dans les sociétés contemporaines, ces catégories sont convoquées de façon si tranchée qu’elles semblent vouées à entretenir une guerre de position interminable. À la raison universelle qui ne s’occupe que de savoir, d’expliciter et de contrôler les raisons de ce savoir, on oppose la foi aveugle, incommunicable, de ceux qui croient sans voir. Comment sortir de ce jeu à somme nulle ? Les auteurs de ce volume formulent un pari : mieux qu’un régime de coexistence pacifique, mieux qu’un redécoupage des frontières, ils proposent d’aborder spirituel et rationnel à travers les alliances qui, depuis l’aube de l’humanité, n’ont cessé de se nouer entre eux.

[…] Au terme de cette enquête qui traverse les pensées de Platon, saint-Augustin, saint Jean de la Croix, Corneille Agrippa, Spinoza, Emerson, Thoreau, Freud, Lacan, Bergson, Ostad Elahi, se dessine une perspective nouvelle : celle d’une spiritualité rationnelle, solidaire d’une raison ouverte au spirituel.

Qu’est-ce que la littérature sinon, pour paraphraser Baudelaire, le « meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité » ? En quoi est-elle un « sanglot qui roule d’âge en âge » pour témoigner de la condition de l’homme, mais aussi, un « flambeau » pour changer de regard, et peut-être ultimement, soi-même ? Depuis qu’existe l’activité littéraire, la question se pose de savoir si la plume peut transformer le monde ne serait-ce qu’en changeant les individus pris isolément comme lecteurs. L’exploration de quelques grandes figures de la littérature mondiale lors de l’édition 2008 des Journées de la Solidarité Humaine a permis de voir comment s’est mis en place, à des époques et dans des cultures différentes, un engagement de tout l’être pour changer de regard et transformer l’âme par l’exercice de la vérité. Que ce soit dans la narration poétique de Rûmi, de Dante ou de Tagore, la prose philosophique et autobiographique de Montaigne ou les romans de Hesse, l’objet de l’entreprise littéraire apparaît ici comme quête de soi et transmission d’une expérience intérieure. Dans cette transmission, c’est, directement ou indirectement, l’efficacité de l’expression littéraire qui est affirmée comme le lieu d’un cheminement et de révélations successives. Apprendre par la littérature, c’est s’ouvrir d’abord à soi et par cette exploration intérieure, apprendre à se changer soi-même. Ce que nous disent les poètes à travers leurs œuvres, c’est que la littérature peut changer l’homme quand elle porte en elle cette part de vérité où s’origine l’efficacité du Verbe.

La tolérance apparaît comme une des valeurs éthiques les plus naturellement partagées dans nos sociétés démocratiques. Pourtant, elle n’a rien d’universellement évident. Son histoire en témoigne : elle est inséparable des vicissitudes de la réflexion sur le fait même de la diversité humaine. Dans le sens positif que nous lui donnons aujourd’hui, celui d’un respect inséparable de la reconnaissance de l’humain en tout autre, la tolérance est sans doute une invention moderne. Mais que la tolérance ait une histoire signifie aussi qu’elle peut toujours être réinventée, qu’elle est un projet à conquérir, une pratique de création continue et négociée, plutôt qu’une valeur donnée de toute éternité.

Les textes rassemblés dans ce livre rendent compte de cette actualité de la tolérance en s’efforçant de la ressaisir en acte. Loin d’être un principe abstrait, elle y apparaît comme une exigence concrète incarnée dans des trajectoires singulières, des figures vivantes et engagées qui n’ont pas hésité à s’insurger contre l’anesthésie morale de leur époque. De ce point de vue, Las Casas, Voltaire, Lincoln, mais aussi Averroës ou Maïmonide, sont encore nos contemporains.

La question du consensus est on ne peut plus actuelle. Elle est au centre de la réflexion éthique et politique contemporaine, marquée par les exigences de la discussion intersubjective et du débat démocratique. Le consensus se présente à la fois comme dynamique de délibération et comme critère de justification des décisions.

Les praticiens de l’éthique clinique et de l’éthique de la recherche qui agissent au sein de comités institutionnels ou nationaux, pratiquent la décision consensuelle, y voyant une assurance sinon au plan de la valeur de la décision, du moins au plan de la procédure.

Dans une perspective plus large, l’argument du consensus est souvent invoqué par les décideurs politiques pour légitimer des décisions dont le caractère démocratique reste à démontrer.

Quels peuvent être les critères pour juger de la valeur d’un consensus, tant au niveau institutionnel que sociétal ? À quelles conditions le désaccord doit-il être possible et préservé ? La procédure peut-elle à elle seule prémunir les participants à la discussion contre les jeux de pouvoir et d’intérêts ? Ces questions sont examinées ici.

Cet ouvrage est le premier en langue française à traiter de l’ensemble des dimensions du recours au consensus en éthique. Il s’adresse autant au praticien de l’éthique soucieux de réfléchir sur son expérience de délibération en vue du consensus, qu’au théoricien intéressé à aborder les questions plus abstraites sous l’angle des pratiques professionnelles et institutionnelles.

Articles de presse

Centre de ressources en soins infirmiers
Marcelle Monette, 11 décembre 2007
Centre de ressources en soins infirmiers

Il y a une idée de l’esprit logée au coeur de l’éthique. Nous le savons depuis les philosophes grecs, dont la sagesse pratique se donnait indissolublement comme un art de vivre et une forme de connaissance de soi. L’intériorité elle-même est quelque chose qui se cultive. Elle se construit dans une relation à soi-même et aux autres – relation attentive à d’autres corps-esprits, selon tous les degrés qui vont des marques de soin les plus élémentaires à l’universel respect de la dignité en chacun.

Au croisement de la métaphysique, de la biologie, de l’éthique, de la psychanalyse et de la religion, se formule ainsi le problème fondamental de la construction de l’humain. Dans ce chantier, ce ne sont pas les problèmes qui manquent : problème des bases naturelles de l’éthique, problème de l’influence de la conception religieuse de la loi dans la régulation des rapports humains, problème enfin de la valeur pragmatique et concrète des innombrables images et représentations de l’esprit héritées de la tradition philosophique ou spirituelle, et revisitées aujourd’hui par la psychanalyse et les neurosciences.

Ce que nous savons ou croyons savoir de ce que nous sommes influence ce que nous faisons. En retour, ce que nous faisons nous révèle à nous-même. L’esprit se pratique : il faut s’y faire. Mais il est tout aussi important d’y penser, et donc de s’en donner des modèles pour les interroger, les modifier, les faire travailler, et pourquoi pas, les transformer. C’est peut-être là, finalement, l’esprit de l’éthique.

« Penser, c’est juger » disait Kant. Dans ce flux incessant des jugements que nous portons sur la vie, sur le monde et les autres, certains sont nécessaires et légitimes, d’autres ne le sont pas. Ils révèlent au contraire, à des degrés divers, une propension quasi irrésistible à porter un regard malveillant sur les façons d’être, de penser, de vivre de ceux que nous côtoyons. L’attitude est si banale et ancrée dans les habitudes qu’il est rare que nous nous arrêtions pour la questionner. Et pourtant, n’est-ce pas dans ce jugement biaisé que nous portons sur nos semblables que se cache la source de nombreuses injustices dont nous sommes les auteurs souvent inconscients ? N’est-ce pas là également que se situe l’origine de certaines de nos difficultés – relationnelles ou existentielles – que nous considérons comme des injustices à notre égard ?

Quelles sont les conditions requises pour que nos jugements soient éthiquement acceptables ? Comment juger les autres, puisque nous y sommes quotidiennement obligés, sans pour autant les condamner ? À partir d’une analyse de situations de jugement concrètes et de leurs implications morales, ce livre propose une démarche d’auto-formation du jugement éthique : pour mieux juger, avec justice, et dans le respect d’autrui et la bienveillance.

Alors que la demande sociale autour des questions d’éthique se fait aujourd’hui fortement entendre, sur le continent européen comme ailleurs, cela fait plusieurs décennies que des chercheurs, souvent professeurs d’Université, s’y sont intéressés dans le contexte québécois. Leur objectif était de mieux comprendre cette demande afin de pouvoir y répondre, le souci d’intervention demeurant central dans leur réflexion.

Cet ouvrage veut présenter l’œuvre d’un petit nombre d’entre eux, jugé représentatif. Le travail d’analyse y serre de près leurs textes et peut très bien servir de premier accès à des publications souvent peu disponibles, dispersées dans des revues ou chez des éditeurs divers. En particulier, nous examinons les lexiques utilisés par chacun, et des entretiens nous font découvrir davantage le sens de leurs discours.

Nous avons regroupé autour de trois pôles géographiques des recherches qui ont bien sûr débordé ces lieux : approche marquée par le questionnement sociologique à Rimouski, par la bioéthique à Montréal (mais aussi à Québec) et approche marquée par le dialogue et l’intervention à Sherbrooke.

Disons-le aussi tout de suite : parler d’école ne veut pas dire qu’une pensée dogmatique serait partagée par chacun des membres, car d’importantes différences subsistent entre eux. Les regroupements permettent simplement un premier repérage. Chez tous les auteurs, on saisira cependant combien la prise en compte des questions de terrain va de pair avec la théorisation, qui non seulement accompagne la pratique mais en découle.

Marie Curie, Hannah Arendt, Françoise Dolto, Clara Schumann, Camille Claudel, Eleanor Roosevelt : elles ne sont pas nécessairement les plus célèbres ni les plus reconnues parmi leurs pairs, mais leur figure s’impose avec force dans le panthéon des « grands hommes ». Leurs vies sont trop grandes pour n’appartenir qu’à un seul temps ; elles sont nos contemporaines. Et chacune témoigne, à sa manière, d’un universel qu’il faut bien se décider à accorder au féminin.

Cette idée peut sembler contradictoire : l’universalité d’une action ou d’une œuvre remarquable (quel qu’en soit le domaine : philosophie, physique, musique, sculpture, psychanalyse, politique) ne doit-elle pas se définir, justement, par-delà le genre ? La question est ouverte. Mais elle ne se réduit peut-être pas entièrement à celle, encore très actuelle, de la condition féminine.

Sans doute, on ne naît pas universel : on le devient. Et cela est encore plus vrai lorsqu’on est une femme. Celles que nous n’hésitons plus à compter aujourd’hui au nombre des grandes figures de l’humanité ont d’abord dû s’imposer dans le contexte d’une culture dominée par des valeurs masculines qui tendaient à les confiner dans une nature ou dans un rôle (celui de mère ou de sœur, de muse ou d’amante). Elles en ont payé le prix, et les trajectoires de vie discutées dans ce livre témoignent d’un tragique où la ténacité et le courage riment avec le sacrifice et parfois la folie.

L’exemplarité de leur engagement tient pourtant à autre chose encore : l’universalité conquise de haute lutte dans tel ou tel domaine du savoir ou de la culture se distingue chez ces femmes par une tonalité et une sensibilité propres qui en fait toute la valeur et qui continue à résonner avec nos aspirations les plus actuelles. C’est à cerner cette touche singulière que s’emploient les auteurs de cet ouvrage. En s’appuyant tour à tour sur des éléments biographiques, des portraits psychologiques, des analyses historiques et philosophiques, en comparant les cas, en croisant les points de vue, il s’agit de dégager progressivement les conditions d’un universel au féminin – loin des embarrassants clichés de l’« éternel féminin ».

Ce livre est une enquête. Son objet : découvrir le regard que portent des lycéens sur le Bien. Son but : établir que le souci du Bien n’est pas absent du cœur des jeunes générations. Son origine : les témoignages d’une centaine de jeunes, filles et garçons, d’un lycée de la région parisienne, qui parlent de leur vision du bien, de leurs interrogations sur la valeur morale de leurs actes, et analysent avec sincérité leurs motivations et leurs freins à agir en bien et pour le bien.

À travers la diversité des expressions, ces paroles de jeunes sur le Bien révèlent quelque chose de la permanence et de l’invariance des aspirations éthiques qui demeurent en chacun… Adolescence avide de justice et d’équité, saura-t-elle afficher dans ses actes, mieux que ses aînées peut-être, sa préférence pour des valeurs humaines positives, source de bien-être et d’humanité ?