La mort livre-t-elle la clé de la vie et de son sens ? Comment la compréhension de notre condition mortelle influe-t-elle en retour sur la manière dont nous menons nos vies, sur l'idée que nous nous faisons d''une vie digne d'être vécue ? C'est à ces questions sans âge et aux réponses vivantes qu'on peut y apporter aujourd'hui que se consacrent les contributeurs de ce volume. Ils sont philosophes, psychologues, psychanalystes, journalistes, observateurs des croyances et des pratiques contemporaines associées aux idées de mort et de survie. Ils envisagent d'un oeil curieux et critique la philosophie de Bergson et le transhumanisme, la logothérapie de Viktor Frankl et la psychologie transpersonnelle ; ils discutent l'état des recherches actuelles sur les phénomènes de mort imminente ou les témoignages faisant état de souvenirs de vies antérieures ; ils s'interrogent sur les frontières du "moi", sur la pertinence d'une référence à l'"âme" et même à un "au-delà" qui ne se limite pas nécessairement aux cadres d'interprétation fournis par les traditions religieuses; enfin, ils discutent des différentes voies par lesquelles ce faisceau d'expériences, de théories et d'hypothèses peuvent contribuer à préciser, pour chacun, l'échelle des valeurs éthiques et spirituelles qui constituent une vie pleinement humaine.

Recension

Le paradoxe de l’universel, c’est qu’il se décline au pluriel : il en existe plusieurs versions, qui se font parfois rudement concurrence. Pour échapper au choc des civilisations ou à la guerre des dieux, on prône aujourd’hui un dialogue apaisé et constructif entre les traditions.

Mais le dialogue a peu de chances d’aboutir si l’on part du principe que la pluralité des sagesses, des religions et des spiritualités dont nous héritons renvoie à des différences irréductibles. On peut bien entendu chercher un plus grand dénominateur commun, des valeurs humanistes abstraites dans lesquelles chacun puisse se reconnaître. On peu aussi faire le pari, plus risqué, plus ambitieux, qu’en s’éclairant les unes par les autres, ces versions de l’universel finissent par révéler un noyau d’unité réelle.

Les contributeurs de ce volume révèlent le défi en se penchant sur quelques cas exemplaires : le message moral de la Bhagavadgita, les sources hébraïques et chrétiennes du Coran, le problème de l’unité des sagesses du point de vue des premiers chrétiens confrontés à la religion et à la philosophie païennes, l’oeuvre de Maïmonide, partagé entre la Torah et Aristote, enfin la parole des poètes et mystiques des « sombres temps », de Maître Eckhart à Nelly Sachs.

 

De Galien de Pergame, héritier d’Hippocrate, à Victor Frankl, père de la « logothérapie », en passant par Freud ou Ostad Elahi, une question court à travers les âges : celle d’une santé, et donc d’une médecine et d’une thérapie, qui prendraient en vue l’homme tout entier, « corps et âme ».

Cette approche globale bouleverse bien des idées reçues. Le corps et l’âme, la matière et l’esprit, sont encore souvent décrits comme deux domaines connectés mais foncièrement autonomes. Même la célèbre maxime de Juvénal, « un esprit sain dans un corps sain », suggère un simple rapport de voisinage. La médecine, la psychiatrie et les neurosciences contemporaines se débattent encore avec ce dualisme. Mais elles envisagent aussi de nouvelles pistes qui obligent à replacer l’humain – et du même coup certains enjeux touchant le sens même de l’existence – au coeur du processus de soin et de guérison.

Quels sont les facteurs psychologiques et spirituels du bien être et de la longévité ? Qu’est-ce qu’une « maladie de l’âme » ? L’éthique fait-elle partie du traitement ? Et la croyance ? Telles sont quelques unes des questions vives sur lesquelles se penchent ensemble les intervenants de cette journée.

Foi et Raison : dans les débats autour de la laïcité, de la place du religieux ou du sacré dans les sociétés contemporaines, ces catégories sont convoquées de façon si tranchée qu’elles semblent vouées à entretenir une guerre de position interminable. À la raison universelle qui ne s’occupe que de savoir, d’expliciter et de contrôler les raisons de ce savoir, on oppose la foi aveugle, incommunicable, de ceux qui croient sans voir. Comment sortir de ce jeu à somme nulle ? Les auteurs de ce volume formulent un pari : mieux qu’un régime de coexistence pacifique, mieux qu’un redécoupage des frontières, ils proposent d’aborder spirituel et rationnel à travers les alliances qui, depuis l’aube de l’humanité, n’ont cessé de se nouer entre eux.

[…] Au terme de cette enquête qui traverse les pensées de Platon, saint-Augustin, saint Jean de la Croix, Corneille Agrippa, Spinoza, Emerson, Thoreau, Freud, Lacan, Bergson, Ostad Elahi, se dessine une perspective nouvelle : celle d’une spiritualité rationnelle, solidaire d’une raison ouverte au spirituel.

Amour est la douceur même : quel amour ? Celui qui saisit tout, sans fin ni commencement.

Cet amour total chanté par Daude de Pradas conviendrait fort bien à une définition de la fin’amor des cansos. Et pourtant Daude désignait par ces vers l’amour divin.

La séparation que certains critiques ont établie, non sans quelque raison apparente, entre amour profane et sentiment religieux, est-elle aussi profonde qu’on a parfois voulu le croire ? S’il y a eu, en poésie, cette séparation, n’est-ce pas plutôt parce qu’il y avait eu auparavant un cheminement commun ?

Quelques poètes, allant jusqu’au bout de l’idée d’amour pur (c’est le sens exact de fin’amor), refusent sa forme terrestre et choisissent de chanter le renoncement à la folie du monde pour le seul amour de Dieu.

Pour tous, c’est l’amour, principe même de la Création, qui unifie et explique l’œuvre de chacun.

Or on ne peut s’interroger sur la nature de « l’amour pur » en ignorant la formation intellectuelle des poètes, et la conception de l’amour selon les théologiens du XIe siècle a pu contribuer en partie à l’élaboration de la fin ‘amor des troubadours.

Et comment retrouver cet enseignement dans les poésies des troubadours ? Ce qu’on sait de leur carrière nous a fourni quelques pistes, ainsi que l’étude de leur vision du monde dans les cansos.

 

Suzanne Thiolier-Méjean, professeur émérite de l’université de Paris IV-Sorbonne, a publié notamment : aux PUPS, La poétique des troubadours, Une Belle au Bois Dormant médiévale Frayre de Joy et Sor de Plaser, Alchimie médiévale en pays d’Oc, au Livre de Poche, Nouvelles courtoises, coll. « Lettres gothiques » (1er partie) ; a co-édité avec Claire Kappler à L’Harmattan : Alchimies Orient/Occident, coll. « Kubaba », Les Fous d’amour Orient/ Occident coll. Logiques du Spirituel.

La tolérance apparaît comme une des valeurs éthiques les plus naturellement partagées dans nos sociétés démocratiques. Pourtant, elle n’a rien d’universellement évident. Son histoire en témoigne : elle est inséparable des vicissitudes de la réflexion sur le fait même de la diversité humaine. Dans le sens positif que nous lui donnons aujourd’hui, celui d’un respect inséparable de la reconnaissance de l’humain en tout autre, la tolérance est sans doute une invention moderne. Mais que la tolérance ait une histoire signifie aussi qu’elle peut toujours être réinventée, qu’elle est un projet à conquérir, une pratique de création continue et négociée, plutôt qu’une valeur donnée de toute éternité.

Les textes rassemblés dans ce livre rendent compte de cette actualité de la tolérance en s’efforçant de la ressaisir en acte. Loin d’être un principe abstrait, elle y apparaît comme une exigence concrète incarnée dans des trajectoires singulières, des figures vivantes et engagées qui n’ont pas hésité à s’insurger contre l’anesthésie morale de leur époque. De ce point de vue, Las Casas, Voltaire, Lincoln, mais aussi Averroës ou Maïmonide, sont encore nos contemporains.

Être fou d’amour, aimer jusqu’à la folie ! Cette expérience des extrêmes engendre des œuvres d’art. Parole poétique, parole chantée, parole mise en scène…, l’amour, la folie d’amour ne peuvent se dissocier du « chant ».

L’Occident déteste perdre la tête, privilégie le libre arbitre, le contrôle de soi par la raison. Le Fou d’amour qui se perd lui-même au profit d’un autre n’est plus prisé car la valeur prédominante est la stabilité du sujet qui garantit la stabilité de l’individu dans une catégorie de comportements admis, propres à son rang.

Au Proche-Orient, la folie d’amour est l’occasion privilégiée d’approcher l’Unicité divine. L’amour et la beauté sont les plus formidables « éveilleurs » car ils poussent le petit moi hors de lui-même. Même relégué au désert, le Fou d’amour est celui qui court la plus haute aventure réservée à l’humain.

Entre ces deux attitudes de l’Occident et de l’Orient médiévaux, se dessinent de nombreux ponts : les mystiques en sont le plus lumineux.

Claire Kappler, chargée de recherche au CNRS, médiéviste et orientaliste, spécialiste de littérature persane classique, se consacre aux comparaisons entre les cultures du Moyen Âge européen et proche-oriental.

Suzanne Thiolier-Méjean, professeur à l’université Paris IV – Sorbonne, spécialiste de littérature médiévale occidentale, en particulier en langue d’Oc. A publié des ouvrages sur l’Alchimie.

Tous les caractères bien visibles de la vie monastique ne sont que les modalités extérieures d’une forme de spiritualité qui, en son essence, ne peut être représentée. C’est elle cependant qui nous livre la clé du comportement monastique. Sans prétendre aucunement nous restituer cette précieuse essence, l’auteur, un profane, entreprend de l’éclairer.

Les événements qui ont secoué le monde le 11 septembre 2001 ont agi comme une sorte de catalyseur. Au-delà de la stupeur et de l’effroi, ils ont paradoxalement suscité une prise de conscience éthique et créé les conditions d’un réexamen nécessaire des valeurs susceptibles d’orienter une communauté mondiale en voie de reconfiguration, au cours d’une des périodes les plus critiques de son histoire.

Quelle éthique après le 11 septembre ? Juristes, philosophes, spécialistes des religions et experts en sciences politiques se sont penchés sur les mécanismes qui, en deçà des codes et des morales constituées, continuent à alimenter le souci éthique dans nos sociétés. Les diagnostics que livrent leurs réflexions sont déjà une manière d’ouvrir le champ des problèmes éthiques et politiques du siècle qui commence. Se trouvent ainsi réinterrogés les fondements des droits de l’homme et l’idée de communauté internationale, le problème des politiques impériales et les perspectives d’une assemblée universelle, la question de la violence et celle du mal, le statut des victimes, enfin la nécessité de définir les principes d’une solidarité universelle qui transcende les clivages entre les peuples et les religions, tout en respectant la diversité des inscriptions culturelles de l’éthique.

Le paradoxe a souvent été relevé : dans le mysticisme tout nous rapproche du souci éthique, et tout nous en sépare. Les motifs du retrait, de la rupture, de la transcendance et de l’intériorité radicale qui caractérisent la vie mystique, paraissent déjà difficilement conciliables avec les dimensions multiples du lien social et de la relation à autrui. Mais lorsque l’ascèse, l’extase et la dépossession de soi se conjuguent avec la transgression des normes morales, la mystique n’est pas loin d’un véritable nihilisme éthique. Et pourtant on peut dire sans exagération qu’elle manifeste sous une forme radicale les fondements de toute vie éthique.

L’approfondissement de l’existence vers son principe, la recherche de l’union et de la communion, l’ouverture à l’Autre, la puissance d’action et de création libérées par le sentiment mystique, s’affirment en effet comme des ressources essentielles de l’agir moral. Alors, “morale ouverte” ou éthique impraticable ? En mêlant les approches théoriques et monographiques, en faisant dialoguer différentes disciplines (psychanalyse, philosophie, anthropologie, sciences des religions), cet ouvrage collectif répond à cette question et tente de définir un rapport à double sens entre une mystique qui serait au fondement de l’éthique, et une éthique qui constituerait la médiation et peut-être l’accomplissement de la mystique.